Sophia Engineering, l'entreprise d'ingénierie qui transforme les idées en réalité industrielle
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Si les entreprises de conseil sont florissantes dans le secteur de la Tech (conseil en ingénierie informatique, conseil en transformation digitale), il est plus rare de les voir s'attaquer frontalement aux problématiques industrielles. Depuis près d'une quinzaine d'années, Sophia Engineering s'efforce de faire le lien entre la Recherche et l'Industrie, en accompagnant ses clients dans leurs problématiques d'innovation industrielle. Mais l'entreprise le fait à sa façon, loin des standards de management des cabinets de conseil en ingénierie...
Retour avec Laurent Escarrat, Vice Président et Chief Technology Officer de Sophia Engineering sur la proposition de valeur de la société et l'évolution progressive de son business model au fil du temps.
Au plus fort de l'ère industrielle, les processus d'innovation étaient longs et sectorisés, et seuls quelques grands acteurs de la filière possédaient une maîtrise complète de la R&D. Depuis une dizaine d'années, les choses ont radicalement changé si l'on en croit Laurent Escarrat, qui a rejoint Sophia Engineering dès sa création, en 2006. "Aujourd'hui, on assiste à une accélération des cycles d'innovation sous la pression de nouveaux acteurs comme Space X dans le domaine spatial. Pour répondre le plus rapidement possible aux besoins du marché marché, les acteurs industriels n'ont d'autre choix que d'adopter un modèle de co-innovation, dans lequel les savoir-faire industriels sont redistribués et la responsabilité ventilée sur un panel d'acteurs différents", explique Laurent Escarrat.
Repenser le conseil en ingénierie
C'est dans ce contexte que Vincent David crée Sophia Engineering au début des années 2000, après une première expérience chez un acteur du conseil en ingénierie. Le pari de cet ingénieur des Arts et Métiers est de mettre au point un business model vertueux (en Grec, "sophia" veut dire "sagesse"), avec un partage plus juste des risques et de la plus-value entre l'ingénieur et l'entreprise. Cela a plutôt bien fonctionné, si l'on en croit la qualité des profils que l'entreprise a su attirer, et ce dès le départ. Mais que fait Sophia Engineering exactement ?
"A l'origine, nous avons commencé par développer de la R&D pour des clients au niveau métier, puis au niveau système, jusqu'à réaliser des produits sur-mesure pour eux", détaille Laurent Escarrat. Basée à Sophia Antipolis, l'entreprise qui emploie un peu moins de 250 employés met un point d'honneur à développer des savoir-faire transversaux aux secteurs industriels dans lesquelles elle officie : le spatial, l'aéronautique, le naval & offshore, la défense et la sécurité, l'automobile, l'énergie, mais aussi la medtech & santé. Ces savoir-faire sont structurés autour de programmes identifiés comme étant ceux sur lesquels Sophia Engineering a le plus de valeur - par exemple, les systèmes optiques et électroniques embarqués. "Toute la R&D que nous développons est ensuite réinjectée dans les nouvelles technologies que nous proposons à nos clients", déclare le VP de Sophia Engineering.
Faire le lien entre la recherche et l'industrie
Aujourd'hui, l'entreprise dispose d'une maturité suffisante pour développer sa R&D propre, via le financement de thèses de CIFRE ou le recours à des financements publics (FUI, CNES, etc.). "Nous sommes en fait passés d'un modèle où nous répondions aux besoins spécifiques de nos clients à un positionnement d'équipementier de systèmes optiques d'observation pour différentes applications sectorielles", confie Laurent Escarrat pour aborder l'évolution stratégique de son entreprise. Avec toujours une même obsession cependant : transformer les idées en réalités industrielles.
A la variété des secteurs dans lesquels Sophia Engineering opère, répond la diversité de typologie de ses clients. Parmi ses 80 clients annuels, l'entreprise travaille aussi bien avec des startups qui rencontrent des besoins technologiques auxquels elles ne savent pas répondre, qu'avec des PME et ETI, des laboratoires ou des grands acteurs industriels comme Thalès ou Safran. "Ces acteurs, qui reviennent régulièrement nous voir, ont chacun des besoins très différents", résume Laurent Escarrat : il y a en effet peu à voir entre la startup qui a besoin d'un produit complet et le grand groupe qui s'engage sur un modèle de co-innovation.
Un cas d'usage concret : l'aérospatial
Pour mieux cerner l'activité de Sophia Engineering, Laurent Escarrat s'est penché pour nous sur le secteur du New Space. Historiquement, l'aérospatial était réservé aux agences et aux acteurs industriels de taille, comme Thalès ou Airbus. Avec l'avènement du New Space, le spatial est devenu accessible à de plus petits acteurs. Partant de ce constat, Sophia Engineering se positionne pour fournir des solutions à des fabricants de CubeSats et SmallSats - ces satellites beaucoup plus petits que les satellites géostationnaires, plus faciles à lancer et bien moins onéreux que les satellites traditionnels.
"L'avantage pour ces acteurs très performants mais ayant un taux de revisite faible, c'est qu'au lieu de lancer un gros satellite en orbite autour de la terre, qui va passer deux fois par jour sur une zone particulière, on lance une constellation de petits satellites qui passent successivement sur une même zone, permettant in fine une couverture supérieure de la planète", explique Laurent Escarrat, par ailleurs détenteur d'un PhD en astrophysique. "Outre les grandes missions financées par les agences spatiales (CNES, ESA, NASA, etc.), on assiste actuellement à l'émergence de consortiums qui se montent avec l'ensemble des acteurs participant à la fabrication et au fonctionnement des satellites", développe Laurent Escarrat. Pour rappel, tout satellite est composé d'une plateforme, destinée à supporter une charge utile (à des fins d'observation ou de connectivité par exemple). Positionnée sur la charge utile d'observation, Sophia Engineering souhaite jouer le rôle d'équipementier et de fournisseur pour des startups développant des idées de business model fondés sur l'observation de la Terre ou plus généralement des missions pour nanosatellites. La force de l'entreprise, d'après son directeur technique, est de capitaliser sur ce savoir-faire développé pour le New Space et de l'appliquer à d'autres secteurs (le médical, l'aéronautique ou même la défense). "Nous sommes très attachés à cette transversalité, gage de stabilité, qui fait que notre chiffre d'affaires sectoriel n'excède jamais 15% de notre CA global", révèle Laurent Escarrat.
Vers un modèle d'usine à startups ?
Sophia Engineering s'est construite progressivement, avec une montée en gamme et un positionnement sur des sujets de plus en plus importants. Grâce à la confiance accordée par ses clients, l'entreprise a pu accroître sa prise de risque à mesure que la société évoluait. Il a néanmoins fallu attendre d'atteindre une certaine maturité en matière d'organisation, qui se traduit par des process rôdés, une méthodologie spécifique, une expérience des recrutements, pour être capable de financer sa R&D propre et développer des projets en interne. "Un tel positionnement ne s'est pas décrété en un jour", prévient Laurent Escarrat, "et si nous sommes aujourd'hui en mesure de financer notre propre développement, c'est grâce à des acteurs comme Neftys". Grâce au préfinancement du CIR, Sophia Engineering est libre de ses choix et a le luxe de rester indépendante, sans avoir recours à des actionnaires extérieurs. "Le preficir nous permet de mobiliser de la trésorerie pour investir au bon moment sur les projets que nous jugeons les plus pertinents", estime le VP de l'entreprise.
Dès le départ, Vincent David s'est dit que la finalité stratégique de Sophia Engineering consisterait à créer une "usine à startups", pour reprendre l'expression de Laurent Escarrat. Ce dernier témoigne : "nous avons tout en interne pour créer des entreprises". Forte de ce bagage, l'entreprise de conseil en ingénierie industrielle pourrait créer, à partir d'idées de business models ou de produits identifiées par les ingénieurs, des sociétés au sein du groupe qui voleraient ensuite de leurs propres ailes. En 2009, Sophia Engineering dépose un brevet dans le domaine de l'IoT, sur un projet de gestion de points lumineux sans fil et crée une société dans la foulée. Quels sont les défis associés à l'adoption et la pérennisation d'un tel modèle ? "Pour parvenir à créer d'autres sociétés, il faut être mature d'un point de vue managérial", confie Laurent Escarrat, qui se dit très intéressé par ces sujets. Son entreprise est déjà organisée de manière horizontale, avec une répartition claire des responsabilités. L'innovation managériale, prochain chantier d'envergure pour Sophia Engineering ?
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