Sigfox couvre plus de 1.3 milliards de personnes avec son réseau 0G

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A gauche, Franck Siegel, directeur des opérations et à droite, Christophe Jeloyan, directeur de la technologie.

 

S'il est une entreprise française connue dans le domaine de l'Internet des Objets, c'est bien Sigfox. Depuis près de dix ans, l'entreprise construit un réseau global dont l'ambition est de connecter des milliards d'objets au cloud, à moindre coût pour l'utilisateur final et pour l'environnement, tout en assurant une qualité de service irréprochable - et ce partout dans le monde. Aujourd'hui présente dans 72 pays, Sigfox dont le siège est à Labège emploie 280 personnes en France (350 dans le monde).

Retour avec Franck Siegel, directeur des opérations et Christophe Jeloyan, directeur de la technologie et des équipes R&D, sur le chemin parcouru en dix ans et les défis à venir pour la scale-up française. 

Trois années pour valider la technologie

Comme souvent dans les success stories entrepreneuriales, tout commence par une rencontre. Celle entre Christophe Fourtet d'une part, ingénieur de formation spécialisé dans les systèmes radio - ce qui lui a valu le surnom de "Mozart de la Radio" - et Ludovic Le Moan d'autre part, serial entrepreneur depuis les années 2000. En 2009, Christophe Fourtet expose à Ludovic Le Moan son projet de créer un réseau pour connecter des petits objets entre eux, comme ceux dotés de capteurs. L'Internet des Objets n'en est alors qu'à ses balbutiements. Pendant 3 ans, l'objectif de Sigfox va être de valider sa technologie via un réseau pilote installé dans le sud de la France. Trois composantes majeures constituent un réseau IoT : l'objet, qui doit être capable de remonter des données, la station relais, qui récupère le signal de l'objet à proximité et le cloud, vers lequel transite et est stockée l'information. Dans cette configuration, Sigfox est propriétaire du cloud, définit le protocole radio qui permet aux objets d'envoyer leur signal et conçoit les stations de base. Ses partenaires, les opérateurs du réseau 0G Sigfox sont propriétaires du réseau dans leurs pays respectifs.

Une fois la technologie validée, l'ambition de Ludovic Le Moan et de ses équipes s'est concentrée sur quatre points précis, ainsi que le détaille Franck Siegel. D'abord, la volonté de construire un réseau global, afin de permettre d'assurer la traçabilité de n'importe quel objet. Ces petits objets, comme les capteurs qu'on place sur une palette pour en assurer la géolocalisation, envoient des messages de très petite taille ( 12 octets dans le cas de Sigfox). La deuxième ambition de Sigfox, c'est de connecter les objets à moindre coût (1 à 2 euros par an pour tracer une palette ou un container, en l'occurrence). Le troisième enjeu concerne la consommation, que Sigfox va vouloir la plus basse possible. En effet, il est important que la durée de vie de la batterie soit égale à celle du produit que l'on veut tracer. Pour ce faire, il faut penser un système qui consomme le moins d'énergie possible, et des capteurs qui n'émettent pas en continu. Enfin, la qualité de service est au cœur des préoccupations de Sigfox, afin d'assurer la réception de 99% des message en moins de 60 secondes, où que les capteurs se trouvent.

Travailler main dans la main avec des centaines de partenaires

Mais l'entreprise n'est pas seule dans le paysage de l'IoT : elle voit émerger des technologies concurrentes (on pense à l'alliance LoRa notamment, ou encore au réseau longue portée NB-IoT), mais aussi tout un écosystème de partenaires. "Il faut bien comprendre une chose", explique Franck Siegel, "c'est qu'un objet connecté est composé de 4 parties : le capteur, le boîtier, la batterie et la composante connectivité". Chaque élément est clé et fabriqué par une entreprise spécialisée. Sigfox s'appuie ainsi sur plus de 1000 entreprises partenaires qui s'insèrent à des endroits différents de la chaîne de valeur, qu'elles conçoivent les puces, qu'elles assemblent les boîtiers ou encore qu'elles traitent la data. Le point commun à tous ces partenaires ? Le label Sigfox, certification dont ils peuvent bénéficier qui garantit leur interopérabilité.

"Sur le chemin critique du développement de l'IoT, le device est clé"

Pour compliquer les choses, il s'avère que dans l'IoT, les objets sont complètement différents en fonction du cas d'usage et des contraintes qui s'appliquent sur eux (typiquement : la température, la pression, etc.). Franck Siegel insiste sur l'importance et la spécificité des devices en fonction des secteurs : "Sur le chemin critique du développement de l'IoT, le device est clé". Il prend l'exemple de DHL, client de Sigfox avec qui il a fallu trois ans de développement avant de pouvoir tracer leurs trolleys (chariots roulants) à l'aide d'un identifiant unique. "Nous ne fabriquons pas de devices pour des utilisateurs finaux ; notre seul objectif, c'est de rendre la connectivité de ces objets possible", résume le COO de Sigfox. Depuis 2019, la technologie de radio communication de l'entreprise a même été mise en ligne, et donc rendue de facto disponible à tous, afin de faciliter son adoption. "En réalité, notre protocole a toujours été ouvert", précise Franck Siegel.

Il y a donc d'un côté ce réseau de partenaires, qui bâtit ses produits sur la technologie mise à disposition par Sigfox, et sans lesquels Sigfox "n'aurait pas d'utilité" si l'on en croit Franck Siegel ; et de l'autre côté, un réseau d'opérateurs (les "Sigfox Operators"), chargés d'opérer, c'est-à dire de déployer et de manager le réseau Sigfox sur leurs territoires respectifs. C'est ce qui fait qu'en dix ans d'existence, l'entreprise puisse se targuer d'être présente dans 72 pays - alors qu'elle n'opère directement que dans les quatre pays que sont la France, les Etats-Unis, le Portugal et l'Espagne. Tous les pays n'en sont pas au même stade de déploiement néanmoins : parmi les 72 pays, 40 sont complètement déployés (c'est-à-dire que plus de 90% du territoire est couvert), et 32 sont en cours de déploiement. "Au total, cela représente 1,3 milliard de personnes potentiellement couvertes par notre technologie à date", estime Franck Riegel - et 16.3 millions d'objets actuellement connectés (2.4 millions fin 2017 soit près de 200% de croissance / an) générant plus de 40 millions de messages / jour.

Développements futurs et challenges R&D

Toutefois, ce modèle de fonctionnement devrait être amené à changer à l'avenir. "En termes d'orientation stratégique, nous sommes en train de déléguer la gestion de l'infrastructure du réseau pour nous focaliser sur notre coeur de métier : l'innovation technologique et le cloud", dévoile Franck Siegel, y compris dans les pays où Sigfox opère historiquement son réseau. C'est le cas en Allemagne, où l'opérateur vient de céder à un fonds d'infrastructure la gestion des équipements actifs de son réseau. En matière de secteurs, l'entreprise entend se développer en premier lieu dans le secteur de la « Supply Chain & Logistic » principalement, dans l’immédiat, dans le domaine postal et l'automobile. Quels challenges techniques attendent les équipes R&D de l'entreprise française ?

Les trois grands axes de développement portent sur le cloud et la chaîne d'automatisation, sur l'offre de produits stations de base et sur les offres de services de connectivité. Le cloud d'abord, lui qui constitue l'un des cœurs de métier de Sigfox : l'entreprise veut apporter de la scalabilité à son cloud, et complètement automatiser sa "supply chain", "de la prise de commande jusqu'à l'invoicing et le rapport de qualité de service", explique Franck Siegel ; "On veut que l'expérience soit la plus fluide possible pour nos clients". La densification du réseau ensuite, via une offre de produits stations de base. "L'idée sous-jacente, c'est de pouvoir capter le signal d'un objet connecté dans une cave ou dans un entrepôt", déclare Franck Siegel. Dans l'optique de répondre toujours mieux aux besoins de ses clients, Sigfox travaille en ce moment à la construction d'un réseau satellite, pour rendre son réseau encore plus global. Enfin, l'entreprise veut étoffer son offre de services de connectivité, en proposant notamment une offre de géolocalisation moins consommatrice que le GPS. Le challenge est grand : autant il n'est pas gênant de devoir recharger sa montre connectée après une course, autant il n'est pas concevable de perdre la géolocalisation d'un container par manque de batterie.

 

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