PKvitality veut libérer les diabétiques de la charge mentale liée à la maladie
Nos articles Tech
Les chiffres sont vertigineux : dans le monde, plus de 463 millions de personnes sont atteintes de diabète, dont 4 millions en France selon l'Association française du diabète. C'est partant de ce constat alarmant qu'est née PKvitality, l'entreprise qui a imaginé K'Watch, un dispositif médical qui mesure la glycémie moins stigmatisant que ce qui existe aujourd'hui pour les patients atteints de diabète. K'Watch est une montre connectée capable de suivre sans douleur et en temps réel le taux de glucose du diabétique.
Pour en savoir plus sur les enjeux et les défis techniques qui se cachent derrière la lutte contre le diabète, nous avons rencontré le Directeur Général de PKvitality, Minh Lê. Retour sur cet échange.
"Prendre le temps de monter un projet qui change la vie de millions de personnes"
Avant de rejoindre PKvitality, Minh Lê est passé de la finance au secteur de la téléphonie (Alcatel), en passant par l'électronique (LaCie) et le bien-être connecté (Withings). C'est durant l'une de ces expériences qu'il fait la connaissance de Luc Pierart, avec qui il imagine PKvitality. "Luc est un inventeur fou qui avait déjà quelques brevets à son actif" se souvient Minh Lê. "Avant que je ne le rejoigne dans son aventure entrepreneuriale, il avait monté PKparis, une entreprise qui fournissait des accessoires de stockage autour du PC et du smartphone". Numéro un des ventes de clés USB à l'Apple Store, PKparis rencontrait un certain succès. Cela ne suffit pourtant pas à Luc Pierart et Minh Lê, qui désirent avoir un impact plus radical sur la vie de leurs concitoyens. Après avoir étudié les différentes options, ils choisissent de s'attaquer au marché du diabète, qui concerne plus de 460 millions de personnes dans le monde. "J'avais déjà une expérience dans le domaine des "wearables" liés au bien-être ; avec ce projet, je venais de trouver une bonne raison de me lever le matin", confie Minh Lê.
Pour saisir la mesure de l'innovation en jeu dans le dispositif médical mis au point par PKvitality, encore faut-il comprendre les tenants et les aboutissants du diabète.
Le diabète, épidémie du XXIème siècle ?
"Le diabète est un dysfonctionnement du corps, et plus particulièrement du pancréas, qui ne joue plus son rôle de régulateur du taux de sucre dans le sang", commence par expliquer le directeur général de PKvitality. Lorsqu'il est fonctionnel, le pancréas envoie de l'insuline pour absorber les sucres rapides et réguler la glycémie, c'est-à-dire le taux de glucose dans le sang. Il y a deux types de diabètes, provoqués par des causes différentes : lié à une anomalie du système immunitaire, le diabète de type 1 se déclare habituellement pendant l'enfance, entre l'âge de 5 et 15 ans. Dans ce type de maladie, qui concerne 10% des personnes diabétiques en France, le pancréas ne produit pas d'insuline, rendant impossible la régulation de la glycémie. "Avant que l'on ne mette au point des moyens d'injecter au patient de l'insuline, la durée de vie d'un diabétique était de trois à quatre ans", constate Minh Lê. Il existe un autre type de diabète : celui de type 2, plus progressif, serait le résultat d'un surpoids, de l’obésité et du manque d’activité physique chez des personnes génétiquement prédisposées. Dans ce type de maladie, à force d'encaisser des pics glycémiques de plus en plus violents, le corps finit par résister aux doses d'insuline envoyées par le pancréas. Dans les deux cas de figure, les conséquences de la maladie peuvent s'avérer désastreuses : risque de nécrose et donc d'amputation, d'infarctus, de cécité ou encore d'insuffisance rénale.
On l'a compris, le patient atteint de diabète sévère, qui représente 700 000 personnes en France, a besoin de recevoir des injections d'insuline pour pallier son absence (diabète de type 1) ou la résistance du corps à cette dernière (diabète de type 2). Mais toute injection comporte un pré-requis : pour savoir quelle dose prendre, il est nécessaire de mesurer sa glycémie au préalable. Une telle mesure permet aussi d'essayer de comprendre les réactions de son corps aux différents évènements qui peuvent l'influer : ingestion d'aliments, activité physique, stress...
Jugées encombrantes et stigmatisantes, les solutions de surveillance glycémique actuelles ne satisfont pas les patients
Le patient diabétique sévère va donc être contraint de mesurer sa glycémie deux à dix fois par jour. Pour cela, deux grandes méthodes existent : la glycémie capillaire d'une part, technique historique qui consiste à se piquer le doigt pour obtenir une goutte de sang que l'on dépose sur une bandelette puis qui est analysé par un lecteur approprié, et le moniteur de glycémie en continu (MGC) d'autre part. Sur les 100 millions de patients sous insuline sévère dans le monde, un peu moins de 96 millions recourent aujourd'hui à la glycémie capillaire - une technologie précise, peu onéreuse car amortie depuis longtemps mais qui a l'inconvénient d'être encombrante et peu discrète pour le patient. Surtout selon Minh Lê, 100% de ses utilisateurs la détestent : "lorsque vous vous piquez le doigt dix fois par jour de manière quotidienne, soit plus de 3000 fois par an, et ce pendant 30 ans, il est normal que vous ne supportiez plus ce geste au bout d'un moment".
Une autre technique a émergé depuis, le Moniteur de Glycémie en Continu (MGC). Inventé dans les années 2007, il a connu son envol depuis 2017. Trois acteurs principaux sont positionnés sur cette technique : Abbott, Dexcom et Medtronic. Laboratoires généralistes ou pure players, tous trois sont des entreprises aux capitalisations boursières faramineuses - celle de Dexcom, pure player du MGC, avoisine les 41 milliards de dollars. "Le secteur des MGC est un secteur en pleine explosion, qui croît de 50% tous les ans, avec une promesse de résultats thérapeutiques qui n'est plus à démontrer", diagnostique Minh Lê. Comment se présente le dispositif ? Il prend la forme d'un patch que le diabétique colle sur son bras ou sur son ventre et qui mesure son taux de glucose toutes les minutes. L'intérêt d'une telle solution est non seulement de disposer de l'information sur son niveau de glycémie en continu, mais également de suivre la tendance, l'évolution du taux de glucose dans le sang au fil du temps. Ainsi, le diabétique est-il capable de mieux percevoir au cours de la journée comment son corps réagit à différents événements. Pour autant, s'il paraît inconcevable pour les patients qui ont adopté le MGC de revenir à la glycémie capillaire, ils ne sont pas tout à fait satisfaits par ce type de dispositifs. Et ce pour trois raisons : en vertu du coût du traitement (qui peut varier entre un et plusieurs milliers d'euros par mois), de la stigmatisation qui lui est associée (les patchs sont assez visibles) et enfin de la douleur qui résulte de cette méthode. En effet, il faut se figurer que dans le patch autocollant se trouve une aiguille de 8 à 10mm qui pénètre sous la peau à chaque application du patch.
Plus avantageux du point de vue économique, le dispositif K'Watch combine discrétion et praticité
PKvitality est partie de ces trois grands motifs de mécontentement pour développer son propre produit, qui se présente sous la forme d'une montre connectée. "Notre smartwatch est mécaniquement et électroniquement liée au patch, qui ne se voit pas puisque situé en dessous de la montre, sur le poignet de l'utilisateur", explique le co-fondateur de PKvitality. En tout, ce sont près de 28 brevets qui ont été déposés, dont une dizaine sur la jonction entre le patch et la montre. Cette dernière est composée des capteurs de bien-être usuels pour une smartwatch (mesure des pas, des calories, tracker de sommeil, etc.). Le patch, quant à lui, est adhésif et colle à la peau par le biais de micro-aiguilles qui entrent dans la peau - sans atteindre les nerfs mécaniques de la douleur. "Notre procédé repose sur la réaction chimique entre les molécules de glucose qui se trouvent dans le liquide interstitiel, c'est-à-dire la lymphe, et la chimie qui est sur les micro-aiguilles", précise Minh Lê. "Le principe de mesure est dé-risqué, car similaire d'une part aux MGC commercialisés par les trois acteurs cités précédemment dans son approche réaction enzymatique, mais radicalement différent d'autre part au niveau de l'architecture patch-aiguille". Avec son système d'alertes par vibration au poignet, le dispositif de PKvitality permet aux diabétiques de retrouver une forme de discrétion (la vérification du niveau de glycémie se fait en un coup d'oeil) et de ne plus s'afficher auprès de leur entourage, y compris professionnel, en tant que tels. Situées plus en surface de la peau, les micro-aiguilles insérées dans la peau sous la montre sont moins douloureuses que la mono-aiguille des MGC traditionnels. Enfin, le patch est à la fois moins cher à fabriquer et plus respectueux de l'environnement. "En plus d'être livrés avec un applicateur à usage unique, les patch concurrents doivent contenir une pile, un chipset pour analyser le signal, de la mémoire pour enregistrer la data et du bluetooth pour l'exporter - autant d'éléments que nous avons déportés du patch, jetable, vers la montre", déclare Minh Lê.
Une levée de fonds en cours pour financer les premiers essais cliniques
Après avoir remporté trois awards au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas en 2017, PKvitality est restée discrète. "En France, on n'a pas le droit de parler d'un produit de santé tant qu'il n'est pas sur le marché", se justifie son Directeur Général. Sans aucune communication, des dizaines de milliers de personnes visitent tout de même le site de PKvitality chaque mois - parmi elles, 56 000 ont laissé leur adresse mail pour être informées de la sortie de K'Watch. Le bouche à oreille naturel dont bénéficie l'entreprise repose sur sa notoriété dans la communauté des diabétiques, au travers d'articles de blogs notamment.
En matière de roadmap, l'heure est à l'industrialisation et l'automatisation des processus. Après le stade pré-clinique (tests in vitro et in vivo), les équipes de PKvitality vont se consacrer aux premiers tests humains. Les essais cliniques se feront en deux temps : d'abord les essais cliniques de validation, puis ceux de pivot, nécessaires pour extraire les datas qui serviront notamment à déposer un dossier de marquage CE. "C'est la différence entre l'industrie du bien-être et la santé, soumise à une réglementation beaucoup plus stricte", reconnaît Minh Lê. En parallèle, PKvitality monte son usine pour produire les patch, alors que la fabrication des montres sera déléguée à des partenaires.
C'est d'ailleurs une pratique ancrée dans l'ADN de l'entreprise française, que la complexité du produit pousse à recourir à des partenariats avec plusieurs industriels. A titre d'illustration, la partie cloud est construite en partenariat avec Orange, la partie non-médicale du software avec Capgemini Engineering, la partie simulation avec Dassault Systems - de même pour la partie UX et chimie. A terme, l'idée serait de discuter avec des pompes à insuline, afin de s'étendre sur la chaîne de valeur de la médication propre au diabète. "Nous sommes encore apprenants au sujet des logiciels qui font de l'intermédiation entre le MGC et les dispositifs permettant d'administrer de l'insuline, confesse Minh Lê, mais ce sont des évolutions que nous regardons attentivement". Avec l'ambition d'intégrer ces technologies d'injection d'insuline "intelligentes" au sein de la smartwatch...
Avant de penser à ces évolutions potentielles, les équipes de PKvitality se concentrent sur la levée de fonds en cours, qui doit permettre de financer les premiers essais cliniques. Jusqu'à présent, la société s'est financée à deux tiers via des financements privés, de la part de Business Angels spécialisés et de l'industriel allemand Beurer, et à un tiers via des financement publics - que ce soit par le biais d'investissements directs, de subventions ou de prêts long terme. Parmi les investisseurs publics figurent la Région Ile-De-France, BPI France, Eurostars, et l'accélérateur européen EIC, dont la sélectivité n'est plus à démontrer. Une autre levée de fonds est prévue début 2022. D'ici là, on ne peut que souhaiter une belle réussite à PKvitality - dont le nom Pekka, issu d'un dialecte polynésien qui signifie "étoile", aspire à réunir deux univers a priori opposés : le sérieux de la MedTech et le plaisir de l'électronique.
À lire également
-
Nos articles Tech
Handddle fait passer l’industrie manufacturière au 4.0 avec la puissance de l’IA
Présents à l’édition 2024 de VivaTech, nommés par Forbes en 2023 parmi les « 30 under 30 » qui « créent les produits, méthodes et matériaux de demain », Handddle est une jeune start-up bordelaise qui entend profiter des technologies d’intelligence artificielle pour rendre l’industrie manufacturière plus efficace, plus fiable, moins polluante et moins coûteuse.
-
Nos articles Tech
BioMeca aide l’industrie cosmétique et pharmaceutique à prouver l’efficacité de ses produits
La jeune entreprise de biotech lyonnaise BioMeca propose des services innovants basés sur la biomécanique pour caractériser et prouver l’efficacité des principes actifs et produits développés par les entreprises de cosmétique et de pharmaceutique.
En croissance annuelle de 5 %, le marché mondial des cosmétiques devrait dépasser d’ici 2031 les 600 milliards d’euros (selon une étude de Transparency Market Research). Bien que non limitée à ce marché prometteur, la cosmétique est le principal terrain d’étude de BioMeca, une entreprise lyonnaise fondée fin 2016 par Julien Chlasta à l’issue de son doctorat en morphogénèse des tissus. -
Nos articles Tech
Maillance : aligner profitabilité et réduction de l’empreinte carbone de l’industrie pétrolière et gazière grâce à l’IA
“Le monde est entré dans une décennie critique pour faire advenir un système énergétique plus sûr, durable et aux coûts abordables – les perspectives d’accélération des progrès sont prodigieuses si des actions fortes sont engagées immédiatement”, indiquait l’Agence internationale de l’énergie dans son rapport de 2022.
Et parmi les actions à engager afin d’aligner la trajectoire du mix énergétique mondial avec la lutte contre le dérèglement climatique, il faut notamment pouvoir optimiser l’existant : “en attendant que la part provenant du pétrole et du gaz diminue, on peut réduire ses émissions, et nous rendons cet objectif de réduction compatible avec la profitabilité recherchée par les industriels”, expose Jean-Paul Dessap, CEO et fondateur de Maillance.