L’auto-transfusion par i-SEP, pour économiser le sang des donneurs

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Toute intervention chirurgicale engendre pour le patient un risque de perte de sang. Certaines opérations sont plus hémorragiques que d’autres, comme les chirurgies cardiaques ou chirurgies orthopédiques de reprise. La medtech i-SEP développe depuis 2015, un dispositif médical qui récupère le sang perdu par le patient opéré, sauve les cellules sanguines et les retransfuse au patient, évitant ainsi de solliciter les banques de sang régulièrement en tension sur les produits sanguins issus de donneurs. 

Les applications du dispositif i-SEP sont multiples, car de nombreuses chirurgies sont hémorragiques ou à risque. La nouvelle technologie permet aux médecins d’aborder la gestion du capital sanguin du patient, en limitant l’exposition du patient au sang de donneur. i-SEP s’est appuyée sur l’expérience et la pratique  du Dr Francis Gadrat, médecin anesthésiste-réanimateur pendant trente ans au CHU de Bordeaux, pour mettre au point une réponse optimisée à l’autotransfusion.  « Par aspiration du sang avec une canule au niveau de la plaie chirurgicale, l’auto-transfuseur va récupérer le sang perdu par le patient, laver, préserver et concentrer les cellules sanguines, afin de retransfuser au patient ses propres cellules, » décrit Sylvain Picot, fondateur d’i-SEP. 

Il a fondé et dirigé pendant dix ans avec une start up spécialisée dans les implants chirurgicaux, avant de co-fonder i-SEP au côté du Dr Gadrat en 2015, en s’appuyant sur un premier brevet déposé par le praticien hospitalier.

La récupération des plaquettes favorise l’arrêt de l’hémorragie  

Concrètement, la machine baptisée same™ comme Smart Autotransfusion for ME effectue des cycles séquentiels d’une capacité de 500 ml qui permettent de laver et concentrer les cellules sanguines récupérées, tandis que la collecte se poursuit en parallèle. Cinq minutes sont nécessaires pour traiter puis transférer ce volume dans une poche, avant réinfusion. Effectuée en continu, l’opération permet d’éviter une chute du capital sanguin du patient. « Le dispositif peut être utilisé systématiquement pour les chirurgies cardio-thoraciques avec circulation extra-corporelle, même sans hémorragie accidentelle, » précise Sylvain Picot. En orthopédie, pour la hanche ou le genou, il est également précieux notamment en cas de réintervention. En obstétrique ou en chirurgie du rachis, il peut aussi apporter un précieux concours selon les indications.

SAME mesure 40 cm d’emprise au sol pour une hauteur de 1,40m, format classique des machines de bloc opératoire. Des produits de première génération existaient déjà précédemment, mais seuls les globules rouges étaient récupérées par centrifugation, et toutes les autres cellules étaient perdues. « SAME™ sauve les globules rouges mais aussi les plaquettes du patient qui permettent de favoriser l’hémostase, c’est-à-dire de stopper l’hémorragie,» précise Sylvain Picot. Capital pour la réduction des complications post-opératoires.

Une sollicitation moindre des banques de sang  

Par ailleurs, les produits sanguins issus des banques approvisionnées par les donneurs, sont des produits rares, qui coûtent cher à l’hôpital et ne sont pas dénués de risques. Au-delà du bénéfice patient, l’autotransfusion permet donc de diminuer la tension sur les stocks de produits sanguins, ce qui répond à un enjeu de santé publique apparu notamment pendant la pandémie Covid. « Le sang des donneurs épargné en salle d’opération va permettre de mieux répondre aux besoins des patients qui ne sont pas en situation hémorragique, par exemple ceux qui sont en chimiothérapie et qui ont besoin de transfusion de plaquettes, » remarque Sylvain Picot.  

Une première machine installée au CHU de Nantes  

Après six ans de développement et de validation, i-SEP a obtenu au cours de l’été 2022 son marquage CE, l’équivalent de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les médicaments. La première machine same™ est en cours d’installation et de test au CHU de Nantes. 

Grâce aux résultats cliniques obtenus et à plusieurs communications devant les congrès de spécialistes, i-SEP a pu développer la pré commercialisation. La société a aussi obtenu son référencement par la centrale d’achats des hôpitaux français Uni.H.A. Plusieurs des grand CHU français doivent s’équiper.

Le projet a demandé sept ans de développement et validation, avec la particularité de croiser des compétences en hématologie et en biochimie. Il a fallu comprendre dans quel état sont les cellules sanguines récupérées, comment les traiter sang les abimer, en même temps qu’imaginer la conception d’une machine et le développement des consommables stériles qui vont avec. 

Une levée de fonds et des recrutements

L’aventure est soutenue depuis l’origine par le fonds d’investissement breton Go Capital et une vingtaine de business angels. Cinq millions d’euros ont été levés et des subventions obtenues. Accompagnée par l’incubateur Atlanpole, à Nantes, l’entreprise compte vingt salariés. Une quinzaine de recrutements sont prévus d’ici deux ans pour étoffer l’équipe i-SEP qui développe la machine et produit les consommables (technicien et ingénieur) et pour renforcer l’équipe des partenaires et sous-traitants mécaniques et électroniques de la fabrication.  

Une levée de fonds est en cours et s’achèvera fin 2022 pour accompagner cette phase de développement. Une vingtaine de centres experts en France, en Allemagne et au Bénélux devraient rapidement se familiariser avec la technologie en 2023. Puis la commercialisation s’étendra en 2024 en France et en Europe. Un travail d’enregistrementaux Etats-Unis, avec des contraintes réglementaires spécifiques sera mené en parallèle. Le besoin de préserver la ressource des stocks de sang issus de la collecte auprès des donneurs peut retenir l’attention de tous les chirurgiens et médecins anesthésistes de la planète. 

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