Hprobe : des tests ultra rapides pour une nouvelle technologie de mémoire magnétique
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La mémoire MRAM, pour Magnetic Random Access Memory, pourrait bien remplacer demain les technologies de mémoires actuelles que l’on trouve dans nos ordinateurs et objets connectés. Celle-ci est non seulement 1000 fois plus rapide que la mémoire flash, mais elle consomme aussi très peu d’énergie. Hprobe, spin-off du laboratoire Spintec, entend accompagner cette transition en fournissant des machines de tests sous champ magnétique aux plus grands acteurs mondiaux de la microélectronique, pour permettre à cette technologie de décoller.
Avec de plus en plus de données dématérialisées sur le cloud, d’objets connectés, et plus généralement, de microélectronique dans notre quotidien, la demande en matière de stockage des données ne cesse de croître. Et avec elle, la consommation d’énergie qu’elle entraîne.
La MRAM, nouvelle technologie de mémoire magnétique, pourrait bien être la solution de demain pour la gestion de l’énergie consommée par le stockage de nos données, que ce soit sur disques durs comme sur des serveurs informatiques. Cette technologie présente de nombreux avantages : elle est ultra-rapide, elle consomme très peu d’énergie, elle conserve les données une fois éteinte, et elle est, en théorie, inusable.
À l’étude depuis plusieurs années maintenant, cette mémoire basée sur des principes magnétiques est aussi au cœur des travaux de Hprobe, une société grenobloise qui met au point des machines de test sous champ magnétique. Destinées au monde de la microélectronique, elles permettent de tester ces mémoires révolutionnaires et, in fine, d’en permettre la généralisation.
Les travaux du laboratoire Spintec à l’origine de Hprobe
Pour retracer l’aventure de Hprobe, il faut d’abord se rendre au sein de Spintec, le laboratoire mixte du CNRS, CEA UGA, et INPG, dans les années 2000. Alors spécialisé dans la recherche spintronique, le laboratoire Spintec est l’un des premiers au monde à développer la mémoire MRAM (Magnetic Random Access Memory), aux cours de ses recherches. Afin de tester ces mémoires, Spintec a alors dû en inventer les premières machines de test.
En 2016, Jean-Pierre Nozières, co-fondateur de Spintec et de Hprobe, a l'intuition que ces machines peuvent trouver leur utilité en dehors des laboratoires et décide de faire appel à Laurent Lebrun, actuel fondateur, président et CEO de Hprobe pour industrialiser cette solution : « À l’époque, il y avait la preuve de concept, mais il n’y avait pas du tout la preuve de marché », raconte Laurent Lebrun. « On ne savait absolument pas si cette technologie allait grossir dans l’ensemble de la microélectronique », ajoute-t-il.
Pourtant, il parvient dès l’année suivante à vendre une première machine de test à l’Imec, un laboratoire de recherche belge qui fait figure de proue dans le monde de la microélectronique. Et dans la foulée, Hprobe est créé, avec au départ, simplement trois personnes dans l’équipe.
La MRAM, une technologie émergente
Hprobe parie alors sur le fait que la MRAM va rapidement se développer. Car ce type de mémoire vient répondre à un besoin essentiel de la microélectronique : « Le gros problème de la microélectronique, et je vais même aller plus loin, de l’humanité, cela va être la consommation d’énergie. Un data center, cela consomme des monstres de kilowatt-heure ; le cloud, ce sont des serveurs parfaitement concrets qui consomment énormément d’énergie. Donc nous sommes obligés de faire quelque chose, et cette technologie, la MRAM, permet d’éviter cela », explique Laurent Lebrun.
Si cette technologie est présente depuis longtemps déjà dans l’aérospatial, un marché de niche, elle ne s’est invitée que récemment sur les marchés bien plus vastes que sont ceux des objets connectés, de la réalité virtuelle, de l’intelligence artificielle, et aussi de l’automobile. Le fabricant chinois Huawei a même commencé à mettre cette technologie entre les mains du grand public avec l’une de ses montres connectées.
Speed-up magnetic tests : de 10 à 100 fois plus rapides
Mais pour convaincre l’ensemble du monde de la microélectronique de s’y mettre, encore faut-il que des solutions existent pour tester efficacement, et surtout rapidement, ces composants. « Le test, c’est toujours une opération qui prend du temps et qui n’est pas facilement valorisable », décrit Laurent Lebrun. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles la société est focalisée sur la réduction du temps avec ses « speed-up magnetic tests ».
« Notre technologie est basée sur un brevet du CNRS qui permet de générer un champ magnétique paramétrable en intensité dans les 3 dimensions de l'espace au niveau des composants à tester », explique Laurent Lebrun. « Ce générateur a une dynamique très haute, ce qui permet de faire varier le champ magnétique très rapidement, et donc de faire les tests rapidement, ce qui n’est pas forcément le cas des générateurs de champ magnétique « classiques » qui sont souvent lourds, gros, et ont donc des dynamiques faibles. » Les machines conçues par Hprobe permettent de tester de 3 à 10 wafers (plaques de silicium très utilisés dans la microélectronique) par heure. « C’est la raison d’être de la société : comment faire les tests sous champ magnétique les plus courts possibles », ajoute le fondateur de Hprobe, qui se félicite : « nous allons de 10 à 100 fois plus vite que les autres, et c’est ce qui fait que nous avons pu vendre à des très grosses sociétés. »
Ces machines vont permettre d’effectuer trois types de tests à différentes étapes. Tout d’abord, elles permettent de réaliser des tests électriques sous champ magnétique variable de points mémoires, pour valider la production des composants en amont. Au cours du développement, elles permettent ensuite de tester les matrices mémoires pour vérifier la performance de tous les points mémoire. Enfin, lorsque le composant est terminé, la machine permet de faire des tests de performance et d’immunité magnétique.
Les plus gros acteurs de la microélectronique séduits par Hprobe
Depuis la vente de sa première machine en 2017, Hprobe a réussi à en installer 12 autres à travers le monde, et compte parmi ses clients les plus gros acteurs de la microélectronique à Taïwan, en Corée du Sud, et aux Etats-Unis. Ce qui a permis à l’entreprise de réaliser plus de 6 millions d’euros de chiffre d'affaires à ce jour.
Les clients de Hprobe sont avant tout des fondeurs, c’est-à-dire les entreprises qui fabriquent les composants microélectroniques, mais ne les conçoivent pas. Et également les IDM (pour Integrated Device Manufacturer) qui font, quant à eux, à la fois la conception et la fabrication de ces composants microélectroniques.
Outre la rapidité de ses machines de tests, l’avantage concurrentiel de Hprobe se trouve aussi dans sa connaissance de la MRAM qui lui permet d’accompagner le client avec des activités support et de vente autour de la mise en place des procédures de tests. « C’est un service que l’on offre à nos clients qui veulent démarrer, mais qui n’ont pas encore la connaissance complète de ce produit », détaille Laurent Lebrun.
Cette maîtrise de la technologie MRAM permet à Hprobe de se distinguer de ses deux seuls concurrents, une entreprise américaine et une entreprise japonaise, qui ne possèdent pas l’expertise de Hprobe en la matière. Des conditions plutôt favorables pour lui permettre de conquérir ce marché.
TEL Venture Capital parmi les actionnaires de Hprobe
En outre, pour accompagner son développement, Hprobe a accueilli, fin 2019, quatre investisseurs internationaux de renommée mondiale : les fonds d’investissements allemand HTGF, taïwanais ITIC, et japonais TEL Venture, ainsi que la banque française BNP Paribas développement. « Nous voulions des investisseurs qui ne nous donnent pas uniquement de l’argent, mais qui rassurent aussi nos clients », explique Laurent Lebrun. « Le fait d’avoir TEL, qui est un énorme acteur de la microélectronique et ITIC qui est un des fonds à l’origine de la création de TSMC (le plus gros fondeur au monde, ndlr) cela a beaucoup de valeur pour nous en termes de notoriété. »
Une levée de fonds pour se préparer à 2024
Hprobe espère poursuivre sur sa lancée et réaliser un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros en 2024. Les prévisions pour le marché de la MRAM sont en effet optimistes. Une étude d’Objective Analysis et Coughlin Associates datée de 2020 prévoit que le marché pour ce type de mémoires émergentes atteindra les 36 milliards de dollars d’ici 2030. « Nous sommes aujourd’hui en phase de levée de fonds en série A pour se préparer au marché 2024 », annonce Laurent Lebrun, confiant.
Et pour accompagner le développement de cette technologie, outre la mise à disposition de ses machines de tests, Laurent Lebrun entend également promouvoir le développement de la MRAM. Il discute actuellement avec plusieurs grands acteurs aux Etats-Unis et à Taiwan, dans l’espoir de « monter quelque chose du type consortium et développer l’idée que la MRAM est une excellente solution pour le monde. »
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