Diaccurate bouscule la recherche sur les maladies du système immunitaire
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Diaccurate fait partie de ces Biotech françaises qui restent longtemps dans l’ombre, avant de mettre au jour une découverte qui pourrait être décisive pour des millions de patients. Au début du mois de mars dernier, alors que l’épidémie de Coronavirus se répandait à travers toute l’Europe, l’entreprise annonce avoir identifié l’enzyme responsable dans le cas du VIH de la destruction des lymphocytes qui composent le système immunitaire et d’avoir développé un candidat médicament.
Retour avec Jacques Thèze, professeur à l’Institut Pasteur et directeur général de Diaccurate, sur la manière dont un projet de recherche a donné naissance à une startup dont l’impact thérapeutique pourrait s’avérer déterminant dans les années qui viennent.
De l’observation médicale aux premiers essais cliniques : six ans de recherche assidue
Avant d’être entrepreneur-chercheur, le Professeur Jacques Thèze a longtemps partagé son temps comme médecin au centre médical Necker-Pasteur et comme directeur du département de recherche en immunologie humaine de l’Institut Pasteur. C’est précisément en suivant plusieurs cas de patients contaminés par le VIH, qui ne présentaient pourtant pas de signe de maladie, qu’est née la stratégie de recherche à l’origine de Diaccurate. « Chez certains des patients que je suivais, j’ai observé que les lymphocytes CD4 (NDLR : type de globules blancs qui contrôlent la réponse de l’organisme à une infection par le virus du VIH et qui sont dans le cas du SIDA censés être paralysés par ce dernier), restaient parfaitement fonctionnels », explique le Professeur. Or, comme le rappelle ce dernier, le patient atteint du SIDA va avoir tendance à développer deux maladies successives : dans un premier temps, ce que Jacques Thèze appelle la maladie virologique, qui disparaît en général au bout de trois mois, comme pour n’importe quel virus (par exemple, la grippe) ; dans un second temps, la maladie immunitaire qui apparaît après deux mois d’infection, et sous l’effet de laquelle le virus neutralise tout le système immunitaire – dont les fameux lymphocytes T CD4.
Selon le Professeur Jacques Thèze, depuis 37 ans que le VIH a été identifié, il existe de nombreux travaux de recherche concernant la première phase de la maladie, à savoir l’infection virologique. Certains ont d’ailleurs mené à l’élaboration de traitements médicamenteux comme les antirétroviraux ou la trithérapie. Mais le problème de ces traitements est que le patient doit prendre ces drogues à vie, et qu’il n’est donc « jamais véritablement guéri ». C’est pourquoi Jacques Thèze a porté ses recherches sur la seconde phase de la maladie à savoir la maladie immunologique, caractérisée par la dégénérescence du système immunitaire. Et ce qu’il a fini par trouver pourrait ouvrir la voie à une nouvelle manière de soigner les patients et de les amener vers leur guérison définitive
Une découverte scientifique aux conséquences qui dépassent le champ du VIH
En s’intéressant au mécanisme par lequel le système immunitaire des personnes atteintes du VIH est inactivé, Jacques Thèze a découvert dans le plasma de ces patients une enzyme qui s’attaque aux lymphocytes CD4 en présence d’un cofacteur viral. « Lorsque le VIH pénètre dans l’organisme de la personne infectée, un bout du virus jouant le rôle de cofacteur se colle aux lymphocytes et l’enzyme se met alors à attaquer ces derniers, provoquant ensuite la paralysie du système immunitaire », développe le Professeur de l’Institut Pasteur. L’individu se trouve alors affaibli et susceptible d’attraper d’autres maladies, qui peuvent provoquer son décès.
Après avoir mis en lumière le rôle de cette enzyme sur l’organisme, dont on ignorait tout jusqu’alors, les équipes de Diaccurate ont mis au point l’anticorps monoclonal Plazumab. Ce dernier devrait permettre de neutraliser l’action néfaste de l’enzyme sur les lymphocytes T CD4. « Après 18 mois de tests conduits sur des souris, les résultats tendent à prouver l’efficacité de la molécule Plazumab dans le blocage de l’enzyme responsable de la paralysie du système immunitaire », déclare Jacques Thèze. Selon le chercheur, le fait de bloquer l’action de cette enzyme ne devrait pas avoir d’autre conséquence sur l’organisme.
Mais là n’est pas le plus étonnant : en découvrant l’action de cette enzyme sur les lymphocytes, Diaccurate a en fait pavé la voie à la recherche contre tout un tas de maladies caractérisées par la déficience immunitaire. C‘est le cas du cancer par exemple. Fort de la découverte récente de ce candidat-médicament, les équipes de Diaccurate vont ainsi conduire une série de tests cliniques dans les 18 prochains mois. « Nous avons décidé de concentrer nos recherches sur le cancer du pancréas, qui représente un besoin médical urgent – aucune thérapie n’existant pour le moment contre ce type de cancer », témoigne Jacques Thèze.
Copyright © Photo : JM Huron
Des capitaux français au service d’un développement international
La validation des tests en cours nous permet d’envisager l’autorisation pour réaliser des essais cliniques sur des humains ; si ces tests se révèlent probants à l’issue des 18 mois, tout devrait s’accélérer pour Diaccurate. « C’est certain, nous allons maintenant entrer dans une autre dimension », confie Jacques Thèze. L’objectif pour la startup va être de trouver des soutiens financiers publics et privés. Dans cette entreprise Philippe Pouletty, président et co-fondateur de la Biotech française joue un rôle fondamental. A mi-chemin entre le scientifique de renom et le financier averti, ce dernier a commencé sa carrière en tant que médecin immunologiste d’abord comme entrepreneur dans le secteur biotech expatrié en Amérique du Nord, avant de rentrer en France pour créer le fonds de capital-risque Truffle Capital – principal investisseur dans Diaccurate.
Et le covid-19 dans tout ça ? Si Jacques Thèze reconnaît que l’extrême médiatisation de l’épidémie a gêné Diaccurate dans son annonce d’un candidat-médicament, il précise que la stratégie scientifique, elle, n’a pas changé. « Nous nous sommes intéressés au coronavirus bien entendu, en ce qu’il s’accompagne lui aussi d’un phénomène d’immunodéficience ; les résultats de nos recherches pourraient donc potentiellement déboucher sur une nouvelle stratégie thérapeutique de ce nouveau virus », déclare le scientifique d’une voix déterminée. « Pour autant, nous maintenons fermement notre cap et poursuivons nos recherches contre le cancer du pancréas ». En espérant de tout cœur que celles-ci aboutissent dans 18 mois.
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