CellProthera veut réparer les cœurs abîmés par un infarctus

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Cette biotech de Mulhouse s’est concentrée sur une cellule souche bien particulière, la CD34+ (elle a une protéine de surface appelée CD34), capable de régénérer les tissus vasculaires du cœur endommagé après une crise cardiaque..

Chaque année en France, environ 80.000 personnes sont victimes d’un infarctus du myocarde, plus communément appelé crise cardiaque. Parmi elles, 12.000 vont décéder. Les autres, dont le cœur a été abîmé, ont un fort risque de souffrir d’insuffisance cardiaque. Si bien qu’en France plus de 1,5 million de personnes sont atteintes d'insuffisance cardiaque, avec un retentissement majeur sur la qualité de vie.

C’est pour répondre à cet énorme besoin que la start-up CellProthera s’est lancée dans la reconstruction du muscle cardiaque à Mulhouse. « Après un infarctus sévère, une partie du muscle cardiaque se nécrose et le cœur ne peut plus battre comme avant, il doit trouver un moyen de compenser, tente d’augmenter son volume en se dilatant mais ayant perdu sa puissance contractile, cela ne fait qu’empirer le problème entraînant des arythmies, une hypertrophie et de l’œdème. Aucune solution ne s’offre pour l’instant à ces patients, mis à part la prise de dix, voire douze médicaments quotidiennement pour essayer d’enrayer ces effets délétères », explique Matthieu de Kalbermatten, le Président de Cellprothera qui gère depuis plus de 20 ans la stratégie d’entreprises medtech et biotech.

La protéine CD34, capable de réparer les tissus du cœur

CellProthera a été fondée en 2008 pour se spécialiser dans la réparation tissulaire en utilisant l’immense potentiel des cellules souches. Un domaine porteur d’espoir mais dans lequel peu d’applications existent pour le moment, mis à part, pour certaines indications précises, l’utilisation de peau, cornée ou cartilage artificiels. CellProthera, elle, se concentre sur la régénération de tissus vasculaires, en particulier cardiaques en cas d’infarctus cérébraux et d’AVC.
Au cœur de son innovation : le développement d’une méthode et technologie unique de production de cellules souches CD34+ prêtes à l’emploi. On savait déjà que ces cellules dites « hématopoïétiques » permettaient de régénérer toutes les cellules sanguines que ce soit les globules rouges, blancs ou les plaquettes. L’équipe de CellProthera a voulu tester son efficacité directement sur des tissus endommagés. Après avoir prélevé une petite dose de sang du patient, les cellules d’intérêt sont sélectionnées et multipliées in vitro jusqu’à atteindre une importante quantité de cellules souches CD34+.

Day 0 montre les cellules CD34+ mises en culture et Day 9 est le résultat de l’expansion cellulaire après 9 jours

Les zones abîmées se remettent à battre

Pour administrer le médicament, l’équipe de cardiologie interventionnelle utilise un cathéter capable de remonter jusque dans le ventricule cardiaque gauche. « On peut alors injecter sous angiographie les cellules au bon endroit pour maximiser l’efficacité de leur action régénératrice », précise le dirigeant. Une trentaine de patients ont déjà été traités avec une seule injection directement dans les tissus à réparer. Les données préliminaires confirment les très bons résultats obtenus dans la phase pilote. « Grâce à l’imagerie médicale, nous avons pu observer une amélioration des facteurs prédictifs de l’insuffisance cardiaque 6 mois après traitement. La taille de la zone infarcie, non battante, par exemple, s’est fortement réduite après traitement. Ces zones qui avaient été perdues sont à nouveau actives », se réjouit Matthieu de Kalbermatten. Ces résultats impressionnants montrent que la fonction cardiaque peut être améliorée, augmentant la qualité de vie et l’espérance de vie du patient. Cette innovation vient répondre à un énorme besoin à travers le monde. Aux Etats-Unis, en Europe et au Japon, c’est environ 50 millions de patients qui souffrent d’insuffisance cardiaque aujourd’hui.

StemXpand est l’automate d’expansion cellulaire à 5 incubateurs pouvant traiter simultanément 5 patients
cette version est actuellement en cours de qualification

Du laboratoire au monde clinique

Premier défi qui s'est présenté à Cellprothera : passer du laboratoire à l'échelle clinique. « En laboratoire tout est plus simple, on travaille sur des cellules en culture, in-vitro. Passer au monde clinique, chez l’homme, représente une énorme marche à franchir, au niveau réglementaire en particulier, pour garantir un niveau de qualité du médicament irréprochable.  Aujourd'hui un quart de notre équipe est dédiée au système qualité. » La multiplication des tests et la consolidation du dossier demandent également des fonds importants. D'autant que Cellprothera s'est forgée une place bien à part dans le monde des biotechs de par la nature de son médicament. Comme il est constitué de cellules autologues (issues du patient qui recevra le traitement), il est créé avec une matière de départ toujours différente. « Pour autant, malgré cette variabilité, nous devons proposer la même qualité de médicament à chacun des malades. » D'où la nécessité de maîtriser encore mieux le procédé de fabrication. « En tant que pionniers dans notre domaine, nous devons parfois avancer à vue, avant même que des réglementations officielles ne soient publiées », confie le Président.

L'équipe, composée d'une vingtaine de personnes aujourd'hui, comprend des biologistes, des pharmaciens, des ingénieurs et des techniciens. Plus de 30 millions d'euros ont déjà été investis par des acteurs privés, en plus des 10 millions de subventions issus de programmes collaboratifs français et européens. Après une nouvelle levée de fonds de 7 millions d'euros entre fin 2022 et début 2023 pour finir la phase II des essais cliniques, CellProthera vise le démarrage d’une phase III en 2024. A terme, la start-up pourrait se diversifier dans d'autres indications médicales, telles que les AVC ou les angines de poitrine réfractaires.

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