Avec son expertise des procédures hyperbares, Azoth Systems plonge dans le grand bain

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En France, la haute autorité de santé estime à près de 400 le nombre annuel d’accidents bénéficiant d’une recompression thérapeutique - dont une dizaine survient en milieu militaire. Qu’est-ce qui se cache derrière cette dénomination sibylline ? La thérapie de recompression consiste à faire respirer de l’oxygène sous pression (ou “hyperbare”) à des patients victimes d’un accident de décompression (ADD). Ce dernier fait référence à un trouble au cours duquel l'azote, qui s'est dissout dans le sang et les tissus lorsque la pression était élevée, forme des bulles- gazeuses lorsque la pression diminue. Un tel accident peut typiquement survenir des suites d’une plongée sousmarine. C’est pour contribuer à endiguer ce problème qu’Axel Barbaud a créé Azoth Systems en 2010.

Retour sur les principaux challenges rencontrés par son entreprise, à l’orée de la sortie de son nouvel ordinateur de plongée "Odyssey".

 

Résoudre un problème a priori insoluble

“L’accident de décompression est une problématique très connue dans le monde de la plongée”, nous apprend d’entrée de jeu Axel Barbaud. “La difficulté, c’est que ce type d’accident survient la plupart du temps en dépit du respect des procédures de plongée et jusqu'à plusieurs heures après que le plongeur est remonté à la surface”.

Pour comprendre comment arrivent ces accidents, il faut en revenir à des notions de physique. “En plongée, l’air qu’on respire se trouve à une pression supérieure à celle de l’air à la surface”, explique Axel Barbaud. Une fraction de cet air - l'azote en particulier - vient donc se dissoudre dans l'organisme du plongeur à la pression du milieu ambiant.

Lorsque le plongeur remonte, la pression diminue (on parle alors de “décompression”), ce qui se traduit par un phénomène de désaturation. Surchargés en gaz, les tissus du corps humain vont chercher à évacuer ce surplus de gaz. Lorsque l’on dépasse le seuil de sursaturation critique, les tissus et le sang échouent à contenir le surplus de gaz et qu'ils libèrent de bulles dans l’organisme. C'est l'action mécanique de ces bulles dans l'organisme du plongeur qui est le primum movens des accidents de désaturation.

La formation de bulles dépend de très nombreux facteurs et c'est bien ici que réside toute la difficulté de vouloir les éviter. Au premier rang de ces facteurs, on trouve la charge en gaz absorbée par l'organisme du plongeur au cours de la plongée, principalement dépendante de la profondeur et de la durée de sa plongée. Comment dès lors éviter que des bulles ne se forment ? Pour répondre à cette question, Axel Barbaud prend l’exemple d’une bouteille d’eau gazeuse : “Lorsque l’on ouvre la bouteille tout doucement, on peut arriver sinon à contrôler, au moins à limiter la quantité de bulles qui se forment. C'est le principe même des paliers de décompression réalisés par les plongeurs avant de regagner la surface. Dans le cadre de la plongée récréative, ces paliers sont calculés par l'algorithme d'un ordinateur de plongée tenant compte des paramètres de la plongée (profondeur, durée, temps de remontée...). Dans le domaine professionnel, ils sont en général déterminés par des tables de plongée.

Efficaces la plupart du temps, ces méthodes ne sont cependant pas infaillibles. Leur principale limite ? « Procéder par simulation et ne pas pouvoir tenir compte de la réalité du phénomène de désaturation in situ dans l'organisme du plongeur », détaille Axel Barbaud. C'est précisément ici qu'intervient l'innovation technologique O'Dive développée par Azoth Systems.  

Une découverte contre-intuitive, obtenue par sérendipité

Avant d’être entrepreneur, Axel Barbaud a travaillé comme officier de marine plongeur d'armes. Chargé de la sécurité des plongeurs de la Défense, il s’est trouvé confronté de près à la question des accidents de décompression – ce qui lui a permis de se forger une culture sur le sujet. C’est dans ce contexte qu’a germé l'idée de développer une technologie susceptible de pallier ce risque. L’état de l'art des connaissances est alors le suivant : on sait que l'absence de bulle détectable dans le flux veineux d'un plongeur après la plongée est un indicateur favorable de la désaturation de ses tissus, qualité à laquelle est associée un risque d'accident amoindri. En d'autres termes : il y a un intérêt significatif à pouvoir contrôler ou, le cas échéant, à faire évoluer les procédures de plongée afin qu'elles génèrent le moins de bulles possible.

Pour pouvoir mettre en pratique à grande échelle ce principe simple, encore fallait-il trouver un moyen permettre à chacun de mesurer facilement ce taux de bulles libérées dans l’organisme. Azoth Systems s’appuie pour cela sur un capteur Doppler, qui émet des ultrasons selon le même principe qu’un échographe. Grâce à ces ultrasons, le capteur détecte le débit de bulles. “Nous n'avons pu développer cette technologie, qui est un concentré d'astuces technologiques, d'algorithmes de pointe et de connaissances issues de larges collectes de données, que graduellement et selon un mode itératif” explique le fondateur de l’entreprise installée à Toulon. Car au départ, en 2010, les spécialistes du sujet ont l’intuition de détecter les bulles au niveau du cœur, puisque c’est là qu’afflue tout le sang et que la désaturation sera la plus visible.

Azoth Systems structure alors un partenariat avec plusieurs laboratoires du CNRS. “Nous avons tout d'abord tenté de développer un capteur permettant d'automatiser la détection de bulles au niveau du cœur”, raconte Axel Barbaud. “Le fait est que cette piste s'est avérée infructueuse ; la collecte d'un signal de bonne qualité, correctement localisé et la mise au point d'un traitement automatisé de ces informations s'avérant d'une immense complexité". Reconnaissant qu'il s'agissait là du processus même de la recherche - c'est à dire d'élaboration de connaissances - le fondateur d’Azoth Systems ne baisse pas les bras. En parallèle, un partenariat avait été noué avec la marine canadienne, qui dispose d’une importante base de données. A l’intérieur, il y a plus de 20 années de collecte de bulles de plongeurs monitorés à la fois au niveau du cœur et de la veine sous-clavière au centre hyperbare militaire de Toronto. Réalisé avec le DRC, ce partenariat, qui visait le développement d'un indice prédictif de risque, aura permis de faire comprendre toute la valeur statistique des données de bulles mesurées au niveau sous-clavière : une valeur supérieure ou équivalente à celle des bulles détectées à l'endroit du cœur, mais avec l'avantage d'une complexité de détection inférieure. “En 24 heures, nous avons pris un virage radical, et ce grâce à cette découverte aussi contre-intuitive qu'inattendue : un exemple vécu de cette sérendipité bien connue dans le monde de la recherche”, précise Axel Barbaud.

Un dispositif technologique simple d’utilisation pour permettre au plongeur d’optimiser sa plongée

Les recherches reprennent alors de plus belle, avec un focus sur la veine sous-clavière. Les signaux s'avèrent plus simples à détecter au niveau de la veine qu'au niveau du cœur, la proximité anatomique de la clavicule représentant qui plus est un repère aussi simple qu'efficace pour venir y positionner un capteur. En parallèle du développement de ce nouveau capteur, Azoth Systems s’est aussi concentré sur l’application permettant de donner au plongeur une indication sur la qualité de sa plongée. Au total, la technologie, unique au monde, fait l’objet de cinq brevets différents. “La force de notre système, c’est que nous fournissons un procédé autonome, qui permet à n’importe quel plongeur de détecter un niveau de bulles dans son organisme et de comprendre comment optimiser ses futures plongées”.

Comment fonctionne l’application reliée au capteur ? Plusieurs algorithmes sont développés : le premier, qui est attaché à la reconnaissance de signal de flux veineux en temps réel, indique au plongeur si le capteur est correctement positionné sur la zone de mesure ciblée. Le deuxième intervenant immédiatement en fin de mesure indique si l’enregistrement est de qualité suffisante pour pouvoir être interprété. Le troisième algorithme, quant à lui, réalise un travail de classification en comptant les signaux de bulles identifiés dans l'enregistrement ultrasonore. Ces signaux sont ensuite comptabilisés par échelle de temps et convertis en un système de cotation bulles international (code de Spencer ou Kisman-Masurel). Le système importe ensuite le profil de la plongée réalisée, la nature des gaz respirés au cours de la plongée et détermine à partir de ces informations un indice de sévérité de la plongée, l'ensemble de ces opérations étant bien entendu réalisées en quelques secondes à peine par le système.

Enfin, un indice de qualité de la décompression est déterminé à partir de la synthèse de toutes ces informations. Cet indice, qui peut varier de zéro à 100 est communiqué au plongeur pour lui permettre d'apprécier le niveau de qualité de sa pratique ; zéro indiquant une marge de progrès très élevée et 100, une possibilité de gain en sécurité marginale. “Entre ces deux extrémités, le rapport de risque est estimé à 1000”, indique Axel Barbaud.

L’outil développé par Azoth Systems va uniquement dans le sens de la sécurité, de sorte que si l’application indique le score maximal, c’est-à-dire 100, la recommandation ne sera jamais de faire moins de paliers. Comme le confie son fondateur, l’expertise de l’entreprise repose autant sur les développements technologiques du capteur et de l’application que dans la capacité d’analyse statistique de ses équipes. “Dès le début, nous avons développé une offre d’audit, où nous formulions des recommandations à partir notamment de mesures de bulles réalisées avec des outils classiques”, se souvient Axel Barbaud. Cela permis à la société de constituer une base de données conséquente et des compétences statistiques pointues, avant de remonter la chaîne de valeur.

Avec sa solution composée d’un hardware et d’un software, Azoth Systems s’adresse aussi bien aux plongeurs récréatifs qu’aux plongeurs professionnels travaillant pour le compte d'entreprises industrielles ou encore pour la défense. Depuis son lancement en 2019, le système compte plusieurs milliers d'adhérents dans une trentaine de pays. “La collecte de données est parfois phénoménale : le temps d'un week-end de mai, nous pouvons parfois enregistrer un volume d'information pour la recherche équivalent à ce qu'une marine étatique mettra plus d'un an à collecter " indique Axel Barbaud.

Odyssey : un ordinateur de plongée unique au monde, Made in France

La prochaine étape ? Elle a déjà démarré avec le lancement de l'ordinateur de plongée Odyssey dont les premiers appareils seront livrés dès cet été. Premier ordinateur de plongée à décompression personnalisée, cette innovation made in France inclut un modèle de décompression personnalisé assisté par un indice de qualité Azoth et un monitoring de désaturation. De quoi entériner un peu plus le côté « game changer » des innovations apportées par l’entreprise française, lauréate en 2020 de la grande exposition du Fabriqué en France, dans le domaine de la plongée internationale…


 

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