Wissem Bourbia (Directeur ACOFI) : « Les investisseurs ont une démarche sociétale »

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En 2015, Acofi Gestion a créé en partenariat avec Neftys le fonds Predirec Innovation 2020 qui permet de préfinancer le CIR (Crédit d’impôt recherche) des PME et startups françaises. Quelles sont les particularités de ce fonds ? Quelles sont les motivations des investisseurs ? 3 questions à Wissem Bourbia, directeur du fonds chez Acofi.

Bonjour, pouvez-vous nous présenter le fonds Predirec ? Quelles sont sa raison d'être et ses particularités ? Wissem Bourbia : Nous avons lancé le fonds « Predirec innovation 2020 » en 2015 et sa maturité sera atteinte en 2020. C’est un fonds qui a une capacité de financement de 138 M€ par an pour les PME et startups françaises bénéficiaires du CIR (Crédit d’impôt recherche). Le CIR est un dispositif annuel. Il s’agit d’un crédit d’impôt octroyé par l’Etat français aux entreprises innovantes, à hauteur de 30 % de leurs dépenses de R&D. Ces 30 %, les entreprises peuvent les déduire de leur impôt sur les bénéfices l’année suivante ou, si elles n’en font pas, en demander le remboursement à l’Etat. Quelle est la limite du CIR ? L’Etat, qui veille scrupuleusement aux deniers publics, prend un certain temps pour vérifier que tous les critères sont bien remplis par l’entreprise avant de lui octroyer le CIR. Ce délai dépend de chaque cas. Il est donc incertain. Et c’est anxiogène pour des PME et startups qui doivent faire face à des dépenses importantes en phase de recherche et ne réalisent souvent, à ce stade de leur développement, pas encore de chiffre d’affaires.

Le préfinancement du CIR (Preficir) par le Fonds Predirec Innovation 2020, en partenariat avec Neftys, vient en quelque sorte créer un pont et libérer l’entreprise de cette angoisse de l’attente grâce à cette avance de trésorerie pour la recherche et le développement.

Le fonctionnement du Preficir est simple et rapide. Les entreprises prennent contact avec Neftys via une simulation en ligne. Puis, après une première sélection réalisée par Neftys et une revue d’Acofi, l’entreprise et son projet de recherche sont présentés au comité d’investissement d’Acofi. Une fois le dossier approuvé, un audit du CIR est réalisé et l’avance de trésorerie est débloquée rapidement pour permettre à l’entreprise de payer ses chercheurs et poursuivre son développement.

Est-ce que ce fonds est particulier pour Acofi ? WB : Oui et non. Non car c’est un fonds de prêts, comme tous ceux gérés par Acofi dans les domaines de l’immobilier commercial, des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque), du secteur public (collectivités territoriales, hôpitaux) ou de l’entreprise (leasing machines, stocks). Et oui le fonds Predirec Innovation 2020 est atypique par sa granularité. Ce sont des opérations de petits montants, de l’ordre de 390 000 € d’avance de trésorerie en moyenne, pour un grand nombre de petites entreprises innovantes. A cette date (NDLR : interview réalisée le 12 octobre 2018), le fonds a avancé la trésorerie de plus de 300 PME et startups françaises. C’est le signe que ce dispositif répond à une attente car toutes les petites entreprises qui font de la R&D sont confrontées à ce besoin de trésorerie.

 

Neftys est au plus près des entreprises innovantes. De votre côté, vous êtes en lien avec les investisseurs. Qui sont ces financeurs et sont-ils particulièrement attachés au financement de l'innovation ? WB : Les investisseurs du fonds Predirec sont dans la sphère publique et privée, à peu près à 50 / 50. Pour leurs critères et motivations, chaque investisseur de Predirec accorde des coefficients plus ou moins élevés au rendement, au risque, à l’aide à l’innovation, aux PME, à l’emploi. Logiquement, les investisseurs publics sont particulièrement sensibles aux dimensions de soutien aux PME, à l’innovation et à l’impact sur l’emploi. Parce que c’est en partie leurs missions. C’est le cas par exemples de la Caisse des dépôts, émanation de l’Etat français, ou du Fonds Européen d’Investissements qui, dans le cadre du Plan Juncker, entend particulièrement apporter un soutien aux PME dans leurs innovations. Les investisseurs privés du fonds sont aussi sensibles à ces questions, qui ne sont pas l’apanage des institutions publiques. Globalement, on constate que les investisseurs ont tous des objectifs ESG (environnementaux, sociaux, de gouvernance) et veillent à réaliser des investissements qui comportent une dimension sociétale, en alliant aussi des objectifs de rendement.

 

On sait que le fonds permet d'aider au financement de l'innovation et de l'emploi des chercheurs. Qu'en est-il des risques et rendements pour les investisseurs ? WB : Il faut bien comprendre que Predirec Innovation 2020 n’est pas un investissement dans l’entreprise. C’est un autre métier. C’est uniquement un fonds de prêts. Si, parmi les entreprises innovantes financées par le fonds se trouve la grande pépite de demain, tant mieux pour cette entreprise. Mais ça ne changera rien pour le fonds qui n’est en risque que sur le CIR de l’entreprise. Quel est ce risque ? C’est un risque fiscal. Les dépenses engagées au titre du CIR par l’entreprise seront-elles effectivement remboursées par l’Etat ? Ou au contraire remises en cause ? C’est à cette question que nous devons répondre avant d’accorder le préfinancement du CIR. L’entreprise peut avoir engagé certaines dépenses de recherche qui, au final, ne seront pas retenues par l’Etat au titre du CIR. Quelle est la clé pour maîtriser ce risque ?

C’est l’audit réalisé avant le préfinancement. Cet audit nous permet de nous assurer que les dépenses de l’entreprise entrent bien dans les critères du CIR.

C’est une démarche essentielle pour nous, et toujours vertueuse pour l’entreprise innovante qui comprend l’exigence du dispositif. Vous avez recruté deux docteurs ? Montrez-moi qu’ils sont payés pour ces projets de R&D entrant dans le CIR. Ils utilisent un microscope ? Prouvez-moi qu’il ne sert qu’à la R&D. Oui, le CIR est très encadré, très précis. Au-delà de l’avance de trésorerie, la démarche du Preficir aide les entreprises innovantes à acquérir la rigueur de gestion requise. C’est vertueux.

 

Acofi, en bref :Agréé AMF (Autorité des marchés financiers)

  • Spécialité : fonds de prêts (2,5 milliards € d’actifs sous gestion)
  • Effectif 2018 : 45 personnes
  • En savoir plus : www.acofi.com

 

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