Le compte personnel de formation, un investissement pour bâtir son avenir professionnel

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Chaque année, près de deux millions d’utilisateurs font usage de leur compte personnel de formation (CPF), un outil qui permet à tous les actifs d’acquérir des droits à la formation mobilisables tout au long de la vie professionnelle.

“Concrètement, ce dispositif qui permet de se former est détenu par tous les salariés et les indépendants. Depuis 2029, il est alimenté de 500 euros par an par les employeurs, plafonné à 5 000 euros, 8 000 euros pour les personnes en situation de handicap. En moyenne, en 2023, les salariés y disposent de 3 000 euros”, détaille Antoine Foucher, l’un des inventeurs du CPF, ancien directeur de cabinet entre 2017 et 2020 de Muriel Pénicaud, alors ministre du Travail, et désormais président du cabinet de conseil Quintet.

“La liberté de choisir son avenir professionnel”

Dans une société qui s’est individualisée, le CPF permet aux actifs de s’ouvrir à de nouvelles opportunités et de rester compétitifs : “aujourd’hui, les actifs restent moins souvent dans la même entreprise ou bien ils y changent de fonctions, et font de moins en moins le même métier toute leur vie. Il faut pouvoir se former : c’est même un risque de ne pas le faire”, expose d’emblée Antoine Foucher.

Les quatre formations les plus demandées portent sur les langues et en premier lieu l’apprentissage de l’anglais, “un impératif sur le marché du travail”, mais aussi sur les formations informatiques comme la maîtrise de suites bureautiques ou les réseaux sociaux, ainsi que le permis de conduire. “Le permis de conduire est, dans certains territoires, plus important que le bac pour avoir un travail. C’est un véritable instrument pour augmenter son employabilité”, relève Antoine Foucher.

Enfin, en quatrième position, on retrouve les certifications longues, soit pour acquérir des certifications techniques indispensables dans certains emplois, soit pour nourrir un projet de reconversion et avoir “la liberté de choisir son avenir professionnel”. Ces parcours concerneraient entre 5 à 10% des formations poursuivies : “des dizaines de milliers de personnes changent de vie chaque année grâce au CPF”, souligne Antoine Foucher.

Les indicateurs existants montrent également que l’intérêt individuel et l’intérêt général se rejoignent : une étude de la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES) a ainsi montré que 86% des personnes qui ont utilisé leur CPF considèrent que leur employabilité a augmenté.

Un enjeu de souveraineté

Autre enjeu auquel entend répondre ce dispositif : la souveraineté. “La mondialisation est une compétition entre des pays qui se battent désormais pour le niveau de compétences de leur population”, estime Antoine Foucher.

Et l’Hexagone est l’un des plus actifs en la matière, puisque seuls Singapour et la France se sont dotés d’un dispositif semblable, “Singapour ayant énormément investi sur l’éducation et étant devenu en 50 ans un des pays aux niveaux de vie parmi les plus élevés au monde”, argumente-t-il.

Le modèle français pourrait aller jusqu’à servir d'exemple à l'Union européenne, le commissaire européen à l'emploi et aux droits sociaux, Nicolas Schmit, ayant déclaré qu’il pourrait inspirer un modèle similaire généralisable à l’échelle européenne d’ici 2035.

Une simplification pour les utilisateurs

Le CPF, qui a succédé en 2013 au droit individuel à la formation (DIF), présente de nombreux avantages par rapport à celui-ci.

Tout d’abord, il a été conçu pour être accessible “en quelques clics, avec un numéro de sécurité sociale et une adresse mail”, et, pour le bénéficiaire, ne nécessitant “l’autorisation de personne pour être utilisé”, comme c’était le cas pour le DIF.

Ensuite, il est attaché à la personne, et pas au statut ou à l’emploi, ce qui signifie qu’un salarié qui change d’entreprise ne perdra pas ses droits. Enfin, il se distingue du DIF en ce qu’il permet de cumuler un montant en euros, et non en nombre d’heures, depuis la bascule effectuée en novembre 2019.

Il donne désormais droit à un catalogue recensant 1 million de sessions de formations pour préparer quelque 4 000 certifications différentes. Une formule qui a rencontré son public, puisque le nombre de bénéficiaires a été multiplié par 4 depuis 2019.

Un effet d’aubaine à contrecarrer

Ce catalogue très vaste et la simplicité d’utilisation comme de référencement pour les formations ont, dans un premier temps, aussi créé un effet d’aubaine et une très forte hausse du démarchage téléphonique visant à escroquer les actifs grâce à la récupération de leurs identifiants pour les inscrire à des formations fictives ou de qualité médiocres afin de récupérer le solde sur leurs CPF.

La cellule de renseignements financiers de Bercy, Tracfin, s’est ainsi alarmée en juillet 2022 d’une “forte augmentation des fraudes au CPF en 2021”, pour un montant total des enjeux financiers multiplié par plus de cinq, passant de 7,8 millions d’euros à 43,2 millions d’euros.

“Le gouvernement a mis un peu trop de temps à réagir. Mais globalement, les mesures ont été prises, le ménage a été fait, et le système n’est à présent pas plus fraudogène que le reste de la sécurité sociale par exemple”, assure Antoine Foucher.

Du côté des formations, depuis décembre 2022, la pratique du démarchage commercial auprès de titulaires d’un CPF a été interdite par la loi, qu’il s’agisse d’appels, sms, mails, ou via des réseaux sociaux.

Du côté des usagers, depuis octobre 2022, pour mieux sécuriser le portail et éviter les failles liées à la récupération des identifiants, les usagers souhaitant utiliser leur CPF doivent désormais utiliser le service d’authentification France Connect+. Un dispositif qui nécessite à l’heure actuelle de passer par l’identité numérique La Poste, une démarche plus sécurisante mais qui complexifie le parcours administratif.

Des financements à pérenniser

“Une mesure prise officiellement pour une raison de cybersécurité, mais qui permet en réalité une diminution des dépenses”, regrette Antoine Foucher. En effet, “le modèle du CPF reposant sur le versement d’un pourcentage à hauteur d’au moins 0,2% de la masse salariale de chaque entreprise, il rapporte actuellement environ 1,2 milliard d’euros, contre 3 milliards de dépenses”, avec une multiplication par trois du nombre d’utilisateurs depuis le passage du DIF au CPF.

Face à cette équation, le gouvernement avait émis la possibilité d’introduire un reste à charge d’environ 30% pour les usagers, via un amendement au projet de loi de finances 2023. mais le décret d’application ne serait toujours pas paru grâce à la baisse d’utilisateurs de l’ordre de 30% induite par France Connect+.

De nouvelles potentialités à imaginer

Antoine Foucher estime au contraire que le CPF devrait poursuivre son expansion en se généralisant, plutôt qu’en réduisant son champ d’action, et il plaide pour que les pouvoirs publics continuent d’allouer les dépenses à un outil qui devrait faire l’objet d’une véritable “priorité politique”.

De nouvelles fonctionnalités pourraient continuer d’améliorer l’écosystème, notamment du côté de l’information apportée aux utilisateurs. “On pourrait rendre d’autres informations accessibles, comme les emplois auxquels les formations envisagées peuvent mener, relier à l’application le catalogue des offres d’emplois de Pôle Emploi, indiquer également les rémunérations moyennes pour les emplois visés, autant d’informations importantes quand on prend le risque de change de vie professionnelle”, imagine-t-il.

Un levier au service de la transition écologique

En termes de politiques publiques, le CPF pourrait aussi être un levier pour répondre aux défis que le pays doit relever sur les questions de transitions écologiques et énergétiques. “Il faut des compétences pour créer des énergies durables, pour refaire des centrales nucléaires, rénover énergétiquement les bâtiments, passer du thermique à l’électrique dans l’automobile”, énumère Antoine Foucher, qui voit dans le CPF un “outil pour inciter les gens à se former sur les métiers font la France aura besoin pour réussir”.

Un mécanisme d’abondement permettrait par exemple de faire rencontrer intérêt individuel et intérêt général : “si vous avez 3 000 euros sur votre CPF et qu’un métier nécessaire à la transition coûte 8 000 euros, l’Etat pourrait payer la différence”.
A date, la formation figurant parmi les compétences relevant des régions, quelques collectivités locales adoptent déjà une telle posture, en particulier les Hauts-de-France, les Pays de la Loire, ou la Bourgogne Franche Comté.