Améthyste, au service de la surveillance prédictive des actifs industriels

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S'il est un sujet dont on ne parle que rarement, sauf en des occasions tragiques, c'est celui du risque industriel. Il y a quarante-cinq ans, la catastrophe de Seveso secouait l'Italie ; ce qu'on pointe à l'époque, c'est l'absence de plan d'urgence préparé par la société responsable de l'usine qui a laissé s'échapper le nuage d'herbicide. A la suite de cet accident industriel de grande ampleur, l'Union européenne décide de légiférer sur le sujet. En découle la directive Seveso, qui impose aux États membres de l'Union européenne d'identifier les sites industriels présentant des risques d'accidents majeurs, appelés « sites Seveso », et d'y maintenir un haut niveau de prévention. En France, plusieurs acteurs sont positionnés sur le créneau de la gestion d'intégrité des actifs industriels.

Améthyste est l'un d'entre eux : installée à Trouville Sur Mer et au Havre, la société créée au début des années 1990 par Agnès Gaillard a pris le pari de centrer sa proposition de valeur sur un logiciel qui permet de piloter à 360° les risques opérationnels de l’entreprise.

 

D'une société de service pour le monde bancaire à la création d'un logiciel pour un géant français du pétrole

A l'origine, Améthyste est le nom d'une société de service qui emploie une cinquantaine d'ingénieurs envoyés en prestation dans de grandes banques françaises. "A l'époque, confie Agnès Gaillard, CEO d'Améthyste, notre seul client en dehors du scope bancaire, c'était la société française de production de pétrole Elf, rachetée ensuite par Total, pour qui nous gérions les bases de données". Le projet fonctionne, le client est satisfait, si bien qu'en 1999, la jeune entreprise remporte un appel d'offre, en collaboration avec Bureau Veritas, pour développer un logiciel "d'asset integrity management" pour Total.

Ne trouvant plus son compte dans les nouveaux process qu’ont institués les acheteurs au sein des banques, la CEO d'Améthyste décide de réduire la voilure de l'activité bancaire pour se recentrer sur l'opportunité de développer un logiciel “d’Asset Integrity Management”. Deux premiers logiciels ciblant les équipements sous pression dans les raffineries sont développés pour le compte de TOTAL, avec l'objectif d'être déployés sur tous les sites industriels du groupe. "Cette opportunité a été une formidable occasion d'apprendre le métier d'éditeur de logiciel", reconnaît Agnès Gaillard. L'occasion de monter en puissance sur l'expertise qui fait aujourd'hui la force d'Améthyste, mais également de projeter la petite entreprise franco-française à l'international.

 

Repartir d'une feuille blanche pour bâtir un logiciel permettant de piloter le risque industriel à 360°

Concrètement, Améthyste conçoit, développe et met en œuvre des solutions permettant d’établir des stratégies d'inspection basées sur le risque ("Risk Based Inspection") à destination des raffineries de pétrole et des activités d’exploration et production. On commence à parler "d'Asset Integrity Management", notion qui renvoie au fait de contrôler la perte de confinement des actifs d’un site industriel et s’ assurer que les personnes, les systèmes, les procédures et les ressources qui garantissent l’intégrité sont en place, utilisées, et adaptées à leur rôle tout au long du cycle de vie de l’actif.

 Après un crochet par l'Essec où Agnès Gaillard suit un cursus de management international pendant un an, Améthyste démarre le développement d'une plateforme digitale qui n'adresse plus uniquement les équipements sous pression mais l’ensemble des actifs physiques, organisationnels et immatériels.

D’un point de vue technique, la plateforme se base sur une approche prédictive proactive, grâce aux couplages entre les approches probabilistes (modèle mathématique développé et traduit en algorithme) et les données temps réels issues des capteurs IoT installés sur les actifs industriels. La plateforme digitale développée par Améthyste comporte ainsi plusieurs caractéristiques différenciantes : dotée d’une Intelligence Artificielle capable de modéliser le risque de façon avancée, elle est auto-apprenante (grâce à la combinaison des retours d’expérience sur le terrain et d’une méthodologie poussée), modulaire, évolutive (les nouvelles normes peuvent être prise en compte en continu) et collaborative. D’un point de vue graphique, la plateforme permet d’intégrer un jumeau numérique quel que soit son format, ce jumeau numérique devient alors l’interface de navigation dans la base de données et y sont appliqués les résultats des analyses de risque, il devient alors un outil 5D avec les 2 dimensions supplémentaires du risque et de sa temporalité. Aujourd’hui centrée sur l’industrie Oil and Gaz, le cœur de la plateforme est en cours d’adaptation à d’autres secteurs, tels que l’hydrogène, l’éolien offshore, le nucléaire, et les infrastructures de génie civil. Depuis le 1er novembre, la solution permet également de prendre en compte le risque Cyber avec une nouvelle offre, CyberQuartz® qui permet d’implémenter l’ISO 27001 et l’Ebios.

"L'idée était d'avoir une vision complètement transversale, et d'apporter une évaluation de risque non pas seulement sur l'équipement sous pression mais sur l'ensemble des actifs, y compris les ressources organisationnelles - que ce soit les personnes ou les compétences", explicite la CEO d'Améthyste. Commencé lors du cursus à l'Essec, le projet ne reprend aucun des développements faits en collaboration avec Bureau Veritas et Total. "Contrairement à nos compétiteurs qui sont partis de l'inspection pour aller vers l'Asset Integrity Management, nous n'avons traîné aucun legacy", dévoile Agnès Gaillard. Alors que les concurrents de l'entreprise vendent du service autour de la maintenance et de l'intégrité, Améthyste ne vend que son logiciel, en mode SaaS et fonde son développement sur une stratégie de partenaires à l’international.

 

Les avantages d'une stratégie de vérification et de maintenance robuste

Aux yeux du non-initié, il peut paraître difficile de convaincre une raffinerie ou tout autre site industriel de recourir à un logiciel holistique de pilotage des risques. Mais c'est oublié que depuis 1976, une réglementation très stricte s'applique à ces acteurs, en vertu des risques environnementaux que comportent leurs activités. Comme le souligne Agnès Gaillard, "ces entreprises fonctionnent avec la menace de faire le Vingt Heures". Dotées d'un service d'inspection reconnu, elles doivent montrer en permanence qu'elles maîtrisent l’état de santé de leur outil industriel.

Un exemple permet d'illustrer la pression constante sur ces sociétés : soumises à une règle qui les oblige à s'arrêter tous les cinq ans, les raffineries doivent prouver aux autorités de tutelle qu'elles ont la parfaite maîtrise de vieillissement de leur actif. Grâce au logiciel développé par Améthyste, il leur est possible d'identifier les mécanismes de dégradation qui se mettent en place sur l'équipement, afin d'évaluer à quel moment l'équipement risque la perte de confinement. Une fois un niveau de risque acceptable fixé, l'utilisateur peut poser des inspections pour vérifier que son équipement ne se dégrade pas plus vite que ce qui a été calculé. "Si au cours de l'inspection, l'utilisateur vérifie que la perte d'épaisseur va plus vite que ce qui a été calculé, il met en place des actions visant à redescendre à un niveau de risque acceptable pour continuer à exploiter son équipement", synthétise Agnès Gaillard.

La mise en place d'une telle stratégie de vérification et de maintenance offre plusieurs avantages non négligeables : elle permet d'augmenter la sécurité du site, d'éviter les arrêts intempestifs, d'allonger la durée de vie de l'asset industriel, et, in fine, d'augmenter la production. Pour le dirigeant, la solution d’Améthyste constitue un puissant outil d’aide à la décision - puissance décuplée par l’aspect transversal du logiciel. En matière de go-to-market, la CEO d'Améthyste révèle que la solution peut être installée à n'importe quel moment de la vie de l'asset industriel, de sa conception à sa fin de vie, lorsqu'il faut montrer aux autorités de tutelle qu’il est encore viable.

Déménager de Paris pour se ré-ancrer dans un écosystème local favorable au développement des PME

Aujourd’hui intégré à l’offre d’Aveva, une filiale de Schneider Electric qui fournit une offre qui va des capteurs sur site jusqu’aux solutions de management des assets, Améthyste se retrouve de fait présente dans 170 projets dispatchés dans 41 pays différents. En termes de développement produit, l'entreprise développe des modules d'évaluation du risque au fur et à mesure des besoins et les présente sous 3 marques : le "orKsoft®" a trait aux énergies fossiles, et "Vermarine" aux énergies renouvelables et CyberQuartz pour la Cyber-Sécurité. En se diversifiant, Améthyste souhaite transposer à d’autres secteurs son approche holistique du risque, qui intègre l’interconnectivité des actifs physiques, des personnes et des procédés de production.

Le volet financement a donné du fil à retordre à Agnès Gaillard : "en 31 ans, nous avons vécu un certain nombre de crises, comme lorsque le prix du baril s'est effondré deux mois après la sortie de la première version de notre logiciel, en 2014". Malgré tout, l'entreprise a pu compter sur le soutien de Bpifrance. "Le projet était très ambitieux et la prise de risque était énorme au départ, avec plus de 5M€ engagés dans le développement du logiciel", confie la CEO de l'entreprise. En 2013, Agnès Gaillard décide de faire entrer 7 actionnaires au capital - tous passionnés par la problématique traitée par Améthyste.

Avec la crise sanitaire, l'entreprise habituée au télétravail depuis plus de 15 ans déménage à Trouville Sur Mer. En Normandie, elle trouve un écosystème "beaucoup plus favorable aux PME qu'à Paris". "Ici, les gens se serrent les coudes, les notions d'entraide et de réseau trouvent un écho important". La partie commerciale de l'entreprise est située au Havre. Souhaitons toute la réussite future à cette entreprise baptisée d'après le nom d'une pierre précieuse symbole d’amitié et de sagesse et également censée protéger de l’ivresse tant il faut savoir garder les pieds ancrés sur terre pour atteindre ses objectifs.